Chut ! On peut s'entendre frauder deux semaines ?
- johannfotsing
- 11 oct.
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C 'est en écoutant le ministre de l'administration territoriale du Cameroun, Paul Atanga Nji, que l'on se rapproche le plus de la compréhension de la véritable nature du régime Biya. Le personnage transpire le grossier. Et ses conseillers en communication s'assurent que son expression colle à son allure quand il fait sortir ses gros yeux de leurs orbites pour menacer les Camerounais. L'homme dans ses prises de parole toujours plus maladroites les unes après les autres, s'est inscrit dans les esprits des Camerounais par ses proverbes "à la con", son langage grossier, et surtout par le fait de s'autoproclamer Moulinex (comme pour dire machine à broyer les légumes camerounais) et Shériff. On pourrait se demander comment un individu avec si peu de finesse, si peu de bienséance, a pu accéder à un poste aussi important dans la machine étatique. Mais cela ne semble pas préoccuper plus que ça, et d'ailleurs quand on sait que le cœur du régime Biya c'est le sissia, on ne s'étonne pas vraiment. Biya lui-même n'avait-il pas, au cours d'une interview, menacé le journaliste Eric Chinje de le faire disparaître en un claquement de doigt ?
Comme il est de coutume lorsque les Camerounais commencent à se sentir et se comporter comme s'ils étaient au Cameroun dans leur pays, le sinistre ministre se sent l'obligation de venir sonner la fin de la "récréation"... C'est comme cela qu'il a appelé la campagne de ces deux dernières semaines en vue des présidentielles. Il a estimé nécessaire de faire savoir au Camerounais, lors d'une conférence de presse donnée ce 10 Octobre, qu'aucun Camerounais n'a le droit se prononcer sur les résultats des élections avant le Conseil Constitutionnel (mieux connu pour son inféodation au régime Biya que pour son respect de la Constitution camerounaise). Il a même averti que transgresser sa loi arbitraire serait un "acte de haute trahison". Envers qui ? Envers quoi ? En bref, silence, on fabrique les résultats que vous allez accepter. Chut ! On ne s'entend plus frauder ! Ce ministre est allée jusqu'à menacer Issa Tchiroma Bakary, candidat favori des Camerounais à ces élections présidentielles, d'enfoncer les portes de son domicile dans sa ville natale à Garoua, s'il venait comme Maurice Kamto en 2018, à se prononcer sur les résultats au lendemain des élections. Et la mise en exécution de la menace se prépare, puisque la ville de Garoua a assisté, ce 11 Octobre veille du scrutin, à une procession de blindés des escadrons de la gendarmerie nationale.
Feuilletant péniblement ses fiches sous l'omniprésent portrait d'un jadis jeune Biya, le ministre a pu retrouver celle qui devait lui rappeler de placer au milieu de sa pluie d'invectives, un abjecte mensonge: Tchiroma porté par son parti le FSNC, "présent dans 10 arrondissements sur 360" et ayant "connu d'importantes défections dans ses rangs", "ne peut prétendre gagner une élection présidentielle au Cameroun". On pourrait croire que ce sont les arrondissements qui élisent le président de la République (peut-être avec leurs nombres de nids de poules ou de jours avec eau et électricité par an ?). On serait tenté de se dire que les files interminables devant les antennes d'Elections Cameroon à la veille du scrutin, ne sont pas constituées d'électeurs assoiffés de changement, mais de badauds qui ne chercheraient qu'une invitation à la grande foire prévue pour ce 12 Octobre sur l'étendue du territoire national. La vérité c'est que tout camerounais qui bénéficie seulement du doute des Camerounais quant à l'actualité de sa complicité avec le régime RDPC, peut battre Biya. Et c'est d'ailleurs le cas pour Tchiroma qui était il y a deux mois encore dans un gouvernement de Biya. La vérité aussi, c'est qu'il suffit de quelques heures pour compiler les résultats d'un scrutin à 8 millions d'électeurs répartis sur quelques milliers de bureaux de vote.
L'invective se mêle naturellement au mensonge. L'invective se mêle toujours au mensonge. L'invective est la même chose que le mensonge. Puisqu'elle cache toujours un dessein inavouable. Puisqu'elle impose cette contre vérité: la raison du plus fort est toujours la meilleure. Et c'est là qu'il faut voir la seule opportunité et le seul objectif de la sortie du sinistre ministre. Il devenait important de rappeler aux Camerounais ce à quoi ils ont été conditionnés depuis plus d'un siècle maintenant: la raison du plus fort est toujours la meilleure. Le sissia. Les formules rocambolesques visent seulement à forcer et à faciliter, par le rire qu'elles peuvent provoquer, l'assentiment et l'adhésion à cette religion d’État qu'est devenu le sissia. On est diverti comme si la scène était extraite d'un film d'action. L'amusement refoule la frustration de cette invective faite en réalité au peuple Camerounais, c'est-à-dire à chacun de nous. Il enfouit en nous, encore plus profond, la peur de librement vouloir ce que l'on veut pour notre pays. Mais en votant demain, et pour tous les jours que le Cameroun connaîtra encore, osons nous rappeler que la meilleure des raisons est la raison du Bien, et que le Bien est la plus grande et la plus solide de toutes les forces. La vidéo d'où ont été extraits les propos du ministre: https://www.youtube.com/watch?v=YcnyIiLIbTQ
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